octobre 2010.

octobre 2010.
Master Class Yousri Nasrallah et Tarek Ben Chaabane

lundi 6 décembre 2021

CHIENS DE PAILLE : LA VIOLENCE AMBIGUË DE PECKINPAH…

 



C’est la lecture d’un article sur le western crépusculaire qui m’a amené à revoir
quelques films dont l’incontournable «  Coups de feu dans la Sierra ». Dans la
foulée je me suis retrouvé en train de revisiter l’œuvre du réalisateur américain
Sam Peckinpah.
Si Peckinpah est considéré, à juste titre, comme un grand nom du western des
années soixante, c’est un drame psychologique, tourné en Angleterre qui m’a
inspiré cette chronique. Il s’agit de Straw Dogs ou Chiens de pailles réalisé en
1971 avec Dustin Hoffman et Susan George dans les rôles principaux.
Ce qui singularise ce film c’est qu’il est l’unique dans la filmographie de
Peckinpah à avoir été tourné hors continent américain.
David, jeune et brillant mathématicien américain quitte son pays pour rejoindre
sa fiancée installée dans la campagne anglaise. Il va être très vite confronté à
l’hostilité des villageois aux mœurs obtuses et aux attitudes agressives.
Le couple qui peine à trouver un équilibre à cause de l’écart intellectuel, va se
heurter aux provocations de la bande menée par Charlie Venner, l’ancien amant
d’Amy.



Raillé pour sa fragilité, David va tout de même essayer de se faire adopter par le
groupe. Pacifiste, il accepte de se joindre à une partie de chasse…
Charlie profite de l’absence de David, pour aller harceler Amy et la violer. Il est
rejoint par un autre membre de sa bande…
La violence va déferler dans cette ambiance marquée par la tension en
crescendo, point fort de l’écriture de Peckinpah. Il est maître dans l’art
d’installer des ambiances malsaines…
David héberge, ensuite, un arriéré mental soupçonné d’avoir enlevé une
adolescente…
La maison du couple est alors sauvagement attaquée par une horde vengeresse.
Jusqu’à quel point David, va-t-il s’accrocher à son éthique pacifiste, accepter
l’humiliation et s’en tenir à sa foi dans la négociation ?

Si Sam Paeckinpah est un auteur controversé, il l’est justement à cause des
interprétations contradictoires qu’on donne de l’ultra violence qui hante ses
films.
La violence serait libératrice. Elle permettrait aux personnages de dépasser un
cap, un blocage. Le fait de toucher ce côté animal dans l’homme serait
nécessaire pour se retrouver…
Cette représentation tombe, bien sûr, sous le coup de la morale. Poussé par
l’acharnement de ces agresseurs, David, craignant pour sa vie, se transforme en
tueur. Passée la légitime défense, il semble tirer une fierté de ce passage à l’acte.
La scène finale est édifiante à ce propos. «  Je n’ai plus de maison » avoue
David, satisfait. Autant dire je suis libre, je n’ai plus besoin de m’abriter quelque
part. Je n’ai plus besoin de fuir…
Loin de l’Amérique et du western, Peckinpah transpose une partie de ses
préoccupations dans le cadre de la campagne anglaise.
Il reprend sa typologie des hommes qu’il a développée de film en film: entre les
méchants qu’il ne juge pas, les politiques et les religieux qu’il n’apprécie pas, et
les antihéros inadaptés, paumés et marginaux, qu’il semble affectionner.
Il reprend aussi l’image assez machiste et du moins ambigüe qu’il donne de la
femme. Immature et émotive.




Et il y a surtout ce motif de l’ultra violence qui fait que certains taxent l’œuvre
de Peckinpah de fascisante.
Il reste que de nombreux critiques ont proposé une autre lecture de cette
violence. Elle serait l’expression majeure du désespoir des héros. Ce dernier sait
que son action est vaine, mais il l’accomplit pour « la beauté du geste »
Mais la tournure, et les ajustements que fait Peckinpah dans Chiens de paille
nous mènent forcément du côté d’une très forte ambivalence…
Chantre mélancolique de la liberté ou apologue d’une violence restauratrice ou
édificatrice ?
Sam Peckinpah ne répondra jamais clairement à cette question.
Disparu à l’âge de 59 ans, il n’aura connu que des déboires à cause de ses
relations très tendues avec ses producteurs. Ces derniers ne lui ont jamais
accordé le droit au Final cut.
Sam aura aussi été une énième victime d’une addiction sévère à l’alcool, qui
aura détruit plus d’une carrière brillante à Hollywood.

(5 Décembre 2019/ Misk)

jeudi 16 septembre 2021

  

Clash : autopsie d'une révolution...



Cela fait un bon moment que le cinéma égyptien est devenu avare en bons films. Parmi les  productions de 2016, très peu échappent au syndrome « Lambi » ou au  mélodrame prétendument modernisé par un filmage qui mime l’esthétique des séries américaines.

Seuls quelques films émergent du lot aussi bien pour des raisons artistiques que pour les polémiques provoquées à leurs sorties (ou pas !) en salles. Clash de Mohamed Diab, fait partie de cette poignée de bons films égyptiens (et arabes d’ailleurs !). Sélectionné à Cannes, attaqué, chez lui, par les médias en raison du point de vue politique qui s’en dégage, Clash, est un film qui développe une idée de cinéma à partir d’un dispositif de mise-en-scène risqué et assumé jusqu’au bout.

Le film raconte un huis-clos tendu à l’intérieur d’un fourgon de police où s’affrontent manifestants et contre-manifestants (on est au  Caire en 2013, quelques jours après la destitution de Morsi) issus des classes populaires et moyennes. Pour survivre, ces adversaires politiques sont condamnés aux compromis, malgré la haine, dans ce véhicule qui se transforme en cible déplacée de lieu en lieu par les forces de l’ordre. Il est évident que ce microcosme est représentatif d’une frange, dominante, de la société égyptienne. Du moins au niveau du nombre.

Clash est certes un film engagé mais qui n’oublie pas que le cinéma est aussi un art. Celui de raconter une histoire par les images, avant tout… Sans fioritures, le film parvient à maintenir le suspense même si ça piétine un peu à la fin. La belle prestation des comédiens (notamment Tarek Abd Elaziz) donne à chaque fois de l’élan à un récit dont la trame ne supporte pas de flottement. Nelly Kareem prouve dans ce film qu’elle se distingue largement de l’image très ordinaire dans laquelle se sont confinées les actrices en Egypte (entre Lolita et dure à cuire)! La comédienne parvient à trouver le juste équilibre entre retenue et émotion…

Clash est un film lucide, un film de rupture.  

  Le jeune Ahmed n'est pas un grand Dardenne !

Un cinéaste peut-il creuser le même sillon sans tomber dans le formatage et la répétition ?

On ne peut éviter cette question à la sortie du visionnage du Jeune Ahmed des frères Dardenne.

Présenté à Cannes où les frères belges font partie du cercle fermé des « sélectionnés d’office », le film a encore une fois partagé la critique.

Autant le jeune Ahmed pouvait par moments être attachant avec sa jolie petite bouille et sa fragilité qui semble l’isoler du monde, autant le film nous a paru plier sous le poids des systématismes.

Ahmed est un lycéen de 13 ans qui vit en Belgique dans une famille d’où le père est absent. C’est la mère qui prend tout en charge.

Ahmed est endoctriné par un imam radical. Ce dernier est en conflit avec l’enseignante d’Ahmed car elle se propose d’enseigner la langue arabe dans une forme plus proche du vécu des élèves. Mais selon le zélote cette initiative pédagogique fait partie d’un stratagème pour détourner les enfants de la communauté de l’apprentissage du livre sacré.

Ce qui provoque l’ire de l’imam qui n’arrête pas de vitupérer contre la mécréante.

Impressionné par les vidéos jihadistes que lui distille l’imam, Ahmed va se sentir investi d’une mission d’où rien ni personne ne viendra le détourner : occire la brave enseignante…

Rien n’arrêtera ce jeune héros monomaniaque.

Ni la bienveillance d’un éducateur au centre de rééducation, ni l’intérêt que lui porte une jolie jeune paysanne, ni l’amour d’une maman dévouée…

Le jeune Ahmed évolue dans une sorte d’autisme. A un moment on ne sait plus si l’adolescent est un sectaire convaincu ou si c’est un garçon souffrant de quelques troubles de la personnalité. Rien n’est fait pour nous expliquer l’acharnement dont fait preuve le jeune Ahmed contre son enseignante.

Des pistes pour expliquer cette dérive sont suggérées. De loin. Peut-être que les Dardenne ne voulaient pas jouer aux sociologues. Qu’ils voulaient laisser le spectateur se faire sa propre opinion…

Pourtant, les clichés ne manquent pas. Comme les raccourcis. On pense essentiellement à ces scènes d’ablution répétitives pour signifier le besoin de pureté du petit gars.

Aucune proposition singulière ne viendra troubler cette petite entreprise de réalisme social. Et le film est sauvé par ses comédiens. Justes. Parfaits.

Sur le sujet, il y a eu des œuvres beaucoup plus marquantes. On pense ici au film anglais « Mon fils ce fanatique » de Udayan Prasad sur un scénario de l’écrivain Hanif Kureishi. Ce film sorti en 1997 , nuance ses personnages et évite l’exemplarité des situations…

Dans une posture, qui nous semble, moins péremptoire…

dimanche 12 avril 2015

Afrique, comment va ton cinéma ?


 
avec Gaston Kaboré

Le cinéma africain n’est pas à un paradoxe près !
Alors que de nombreux opérateurs ne cessent de s’inquiéter de sa fragilité et à cause de son  hypothétique  survie, il ne cesse de susciter l’intérêt du monde universitaire. Un peu partout dans le monde des unités de recherches lui sont consacrées, des cycles de projection lui font honneur et des publications aussi importantes que diverses viennent montrer combien cette filmographie, très modeste en quantité  et surtout très inégale en valeur, a été un des témoins les plus importants de la vivacité de l’imaginaire africain et  du foisonnement intellectuel et social d’un continent.En s’inscrivant au sein de ce paradoxe, le septième art africain ne fait que rejoindre, peut-être, le destin de l’art du continent noir. Boudé par le grand public et oublié lors des grandes occasions , il ne s’en trouve pas moins adulé par les élites, la critique universitaire et les grands artistes qui lui vouent une admiration, souvent doublée d’une fascination, sans égales.Jonathan Jones, critique au Guardian, appelait, dans un article qu’il a intitulé « un peu d’Afrique dans l’art, SVP », à réévaluer le regard de certains milieux artistiques occidentaux  vis-à-vis de la création africaine  dans le sens de plus d’ouverture qui irait contre les idées toutes faites. « Créer du grand art, ne force pas nécessairement l’admiration de vos contemporains » écrivait-il. Surtout si l’on est l’objet de préjugés accumulés au cours de décennies d’ignorance  et de refus d’entendre la différence en dehors des « orientalismes » rassurants et réducteurs…Les ouvrages et les numéros spéciaux des revues consacrées au cinéma africain établissent tous une géographie sinistrée. Les cinématographies du continent sont en perte totale de vitesse, si l’on s’en tient à une définition du cinéma comme dispositif qui compte la coprésence des spectateurs dans une salle comme un élément déterminant.Les termes du triste constat sont valables, à une ou deux exceptions près, pour tous les pays de l’Afrique subsaharienne. Il n’existe presque plus de salles de cinéma (rares sont les pays dont le parc est constitué par plus de cinq à dix salles),  les coûts de plus en plus importants engagés dans les productions, les priorités établies par les Etats et qui déclassent ce média « de riche » au second plan, le désintérêt des bailleurs de fonds traditionnels partis prêcher sous d’autres cieux…Serions-nous face à une fatalité ?La rencontre entre le 7ème art et le continent africain, n’était-elle qu’une aventure vouée, dès le début, à l’échec ?Elle n’aurait vécu, dans ce sens, que le temps d’un rêve, l’espace d’une illusion idéologique, ou d’une stratégie régionale qu’on pensait salvatrice. La Fepaci (Fédération panafricaine des cinéastes) et les difficultés qu’elle trouve à relancer son action témoignent de l’impasse dans laquelle se trouve la démarche collective. La Fepaci n’avait cessé,  de Tunis  à Niamey en passant par Alger, de porter tant d’espoirs fédérateurs.Voici le paysage planté. Il n’entame pourtant pas l’envie sinon ce désir de cinéma des professionnels et du public africain.Aujourd’hui, l’intérêt des festivals, des producteurs et des critiques étrangers se concentre sur trois ou quatre cinéastes-auteurs. Ces derniers le sont dans le sens qu’ils parviennent à donner à leurs œuvres un souffle, un rythme et une temporalité propre où surviennent les tonalités poétiques personnelles. Parmi ces cinéastes on cite Abderrahmane Sissako dont le dernier film « Bamako » se détache dans la filmographie africaine par l’originalité dans le traitement de la question du colonialisme et de la mondialisation. La seconde figure est le tchadien Mahamet Salah Haroun dont « Abouna » ( 2003), un récit d’apprentissage douloureux décrit avec tendresse et retenue, constitue l’une des plus grandes réussites du cinéma africain de ces dernières années.Mais cette nouvelle vague, qui compte aussi le gabonais Imunga Ivanga, le guinéen Cheikh Fantamady Camara, le sud africain Zola Maseko et la burkinabé Régina Fanta Nacro ont du mal aujourd’hui à occuper le terrain de l’audiovisuel se contentant de glaner des succès d’estime dans les festivals ou auprès d’un public de spécialistes.C’est du côté de la production « légère » et autonome que se joue l’avenir du film africain. Ce sont la vidéo et le numérique qui sont en train de réinscrire l’image africaine dans son territoire. Un nouveau modèle économique est en train de s’imposer bousculant ou réinventant les modes de production ou de réception.Nollywood, avec sa production avoisinant les 1500 films/an et qui coûtent 10 mille dinars en moyenne, est devenu la troisième force productrice dans le monde. L’industrie du cinéma nigérian qui commence à traverser les frontières est une réussite « sociale ». Il crée du lien, ancre des représentations qui ont fini par concurrencer les imaginaires qui viennent d’Inde ou des Etats-Unis, et il offre surtout des milliers d’emplois (on parle de deux cents mille postes)L’audiovisuel au Ghana vit la même expérience avec cent films vidéo produits par an. La revue Film International a consacré un numéro spécial à cette industrie. Les articles prouvent l’intérêt de cette expérience que la technologie numérique peut « esthétiser ».  Le public adhère et  s’arrache ces vidéos de qualité artistique improbable mais qui, en s’appuyant sur les codes génériques et en traitant de thèmes variés, parviennent à intéresser. Lors du dernier colloque des J.C.C, le critique et universitaire Mbaye Cham avait parlé de ce mouvement d’adhésion et de distance que les spectateurs installent avec ces films nonobstant leurs qualités artistiques et narratives « discutables ». Un mouvement qui établit de « l’appartenance »…Avec les nouvelles possibilités offertes par le numérique, il semble qu’une issue se dessine devant les images et l’imaginaire africains…La présence et la  quantité finiront peut- être par sortir cette cinématographie du cercle intimiste dans lequel elle semble s’enfermer…car il n’y a pas mieux que les images pour briser les préjugés…                                                                                    Tarek Ben Chaabane  

vendredi 27 mars 2015

Article à propos rencontre ATPCC autour de ZIARA


حول الفيلم التونسي «الزيارة» لا أحد يرغب في النظر في المرآة

http://www.essahafa.info.tn/clear.gif

ضمن «لقاءات الخميس» التي تعقدها جمعية النهوض بالنقد السينمائي مع المخرجيين لمناقشة أفلامهم، حضر مساء الخميس 19 مارس 2015، نوفل صاحب الطابع وطارق شعبان للحديث عن فيلم «الزيارة». اللقاء نشطه حسن العشي وأنيس الخليفي وذكر المخرج نوفل صاحب الطابع أنّ المشروع انطلق من فكرة كيف يرى التونسي الفصام وكيف يتعامل الناس في تونس مع هذا المرض?
وأضاف أنه لم يفكّر في الأول في بنية الفيلم وأنّ عمله يقوم على الحدس.
وبالعلاقة مع توظيف العلاج بالسنطبالي في الفيلم والرابط مع هذا الفن الذي خصص له شريطا وثائقيا، لفت صاحب الطابع إلى أنّ جماعة السطنبالي تقبل مرض الفصام وتتعامل مع المرضى المصابين به باعتبارهم مسكونين أو أصحاب رؤى وتتم مداواتهم ومعالجتهم بالموسيقى لكن المنظور الطبّي يقدم رؤية أخرى.
وتحدث في اللقاء أيضا طارق بن شعبان الجامعي الذي اشترك مع صاحب الطابع في كتابة السيناريو، وذكر في البداية أن له نظرة للسينما مغايرة لنظرة صاحب الطابع لكن ما يجمع بينهما هو اتفاقهما على أن الخرافة والحبكة هما الأساس في صناعة الفيلم، الأمر الذي أصبح استثناء في السينما التونسية الرائجة التي تبني شخصيات لها مشاكل تحدث في عقولها فقط ، دون رابط بالواقع.
في فيلم «الزيارة»، يقول طارق بن شعبان، كانت هناك رغبة في رواية قصّة كارثة شخصية للتعبير مجازا عن مجتمع في قطيعة مع تاريخه.ولفت إلى أنّ أفلام الكارثة، وهو نوع سينمائي له قواعده، تقوم على الكثافة: تكثيف الشخصيات والألوان والأماكن، وأنه اختار مع المخرج أن يفرغ الشاشة وأن يشتغلا على الصمت والفراغ وأن يقدما أقل ما يمكن من المعنى حتى يلتهم المتفرج الشاشة لا أن تلتهمه ويقتفي خطى الشخصية الرئيسية يوسف وأن يفك شفرات الماضي معه
Tarek Ben Chaabane et Nawfel Saheb Etabaa

وردّا على ملاحظة حسن العشّي حول قتامة الفيلم، قال طارق بن شعبان أن الواقع أكثر قتامة من الفيلم وأن مدار الفيلم هو كيف تتعامل مع تاريخك الشخصي ومن ورائه تاريخك العام، وأضاف أن ما يزعج في الفيلم ربما هو نهايته حين يفشل البطل في لملمة تاريخ انهياره وفي إعادة لملمة أجزاء قصته الشخصية.
كما شدّد بن شعبان على الفارق بين السينما الاستعمارية التي تليق بالبلدان التي يحكمها الخوف، كما كانت الحال زمن بورقيبة وبن علي حين كنا نخاف أن نكشف لسائق التاكسي عن إسمنا، وبين السينما المجازية التي تليق بالبلدان الديمقراطية.
عن حضور موضوع قتل الأب والإحالة على الصورة، في أفلامه، قال نوفل صاحب الطابع أن الصورة مهمة بالنسبة إليه لأنها تخدم الذاكرة وهي من تحمل القصة. أمّا موضوع الأب، فهو كناية عن الأب المتسلط الذي يحكم كل شيء ولم ننجح بعد في تجاوزه.
ويقدم مثال استحضار بورقيبة شاهدا عن هذا الأمر، وقال المخرج أن الإشكال يكمن في كيفية التصالح مع الماضي، وفي تجاوز الأب، لأنّك عندما تقتل الأب تفقد الحماية واليقين.. وأضاف أننا لا نزال في تونس في خطواتنا الأولى، نسقط ونتابع الطريق وعلينا أن نتجنب خطر لفظ الماضي.
لم يتنكر الأمريكيون أو اليابانيون أو الألمان لتاريخهم وعلينا أن نتصالح وأن نقرأ تاريخنا.

وبخصوص كيفية تصوير خيالات الشخصية المنفصمة يوسف ، يقول صاحب الطابع أنه عاد إلى القواعد الاساسية للسينما وتوّصل إلى أن تقنية  champ /contre champ  بالإضافة إلى المنظور الذاتي للكاميرا يصلحان لنقل الفصام الذي يعيشه البطل يوسف الغارق في خيالاته.

وبالنسبة إلى طارق بن شعبان فإن هناك منطقا يحكم الفيلم سماه منطق الإمتصاص كما نتقدم في السيناريو كلما تمتص الحكاية البطل وكلما يتقدم أكثر كلما يخسر مرجعياته لأنّه لا يريد أن يتعايش مع ماضيه ولا يريد النظر في المرآة. ينتهي البطل بالفرار في متاهة المدينة العتيقة لأنه لم يتساءل ولم يتحمل مسؤولية ماضيه على المستوى الفردي وعلى المستوى الجماعي قال طارق بن شعبان أنّنا لم نتحمل مسؤولية ما قادنا إلى ما نعيشه اليوم.
الحوار مع نوفل صاحب الطابع وطارق بن شعبان تشعب إلى الحديث عن وضعية السينما والثقافة في تونس: اهتراء منظومة الدعم المباشر غير المرتبطة بالمردودية، غياب الربط بين التعليم والثقافة (الطالب في الآداب وفي الجماليات لا يدرس السينما التونسية فما بالك بطالب الرياضيات?...).


كمال الهلالي







dimanche 1 février 2015

Lecture : «Pour une refondation de la gauche tunisienne» de Baccar Gherib

L'heure des bilans


Par Tarek Ben Chaabane
 
Le titre du second ouvrage de l'universitaire et cadre du parti Al Massar, Baccar Gherib, sonne comme un programme. A la lecture, il s'avère être bien plus que cela... 
«Pour une refondation de la gauche tunisienne» est une véritable petite machine à générer des interrogations et des propositions qui interpellent par leur acuité tous ceux qui se revendiquent de la grande famille de la gauche. Grande famille, certes, mais famille divisée et minée par ses querelles byzantines et autres luttes fratricides...
Entre son premier ouvrage, «Chronique d'un pays qui couvait une révolution» où il recueillait ses textes parus sur Attariq Aljadid (Editions Diwen, 2012), et ce nouvel essai, il y a eu une désillusion. Les résultats des élections de la Constituante où la gauche a été la grande perdante ont sonné le glas des songes révolutionnaires qui ont pris, depuis, les allures de cauchemars égotistes !
Défaite d'autant plus difficile à accepter que la gauche est la force politique naturellement au diapason des revendications révolutionnaires. Qui plus que la gauche a lutté et consenti des sacrifices pour la justice sociale et l'égalité ? De Mohamed Ali Hammi à Chokri Belaïd, ces idéaux ont été ce que Gherib appelle «l'étoile polaire» de cette famille politique...
Qui plus que la gauche a posé les jalons d'une pensée progressiste et d'une lecture éclairée de l'Islam ? De Tahar Haddad à Mohamed Charfi, ce sont des gens de gauche qui ont ouvert les voies des réformes. Tout, donc, concourait pour une ascension de la gauche, mais le grand soir — électoral — n'a pas eu lieu !
La gauche a été débarquée du train d'une révolution qu'elle a couvée (rendre justice, comme le fait l'auteur, au rôle de l'Ugtt est une vérité historique bonne à rappeler par les temps improbables qui courent), il lui faudrait faire, maintenant, sa révolution interne, suggère l'auteur.
Voici donc le résultat des élections et voici le miroir qui renvoie à la gauche une image peu reluisante : fractionnée, narcissique, politiquement velléitaire, embourbée dans l'idéologie et coupée de ce qui devait former sa base naturelle, organique : le peuple !
Et c'est en partant de ces errements et en se revendiquant du pragmatisme que l'auteur construit son argumentation. Une pensée marxiste faibliste se déploie. Une réflexion où les grands récits des épopées ouvriéristes, des luttes de classes structurantes et des révolutions à la Potemkine ne représentent plus qu'un référent affectif commun...
Dogmes et légèreté
C'est dans ce sens que le livre est parcouru d'une méfiance pour tout ce qui est système d'interprétation ou de programmatique totalisant. Baccar Gherib aborde longuement cet attachement aux dogmes du marxisme orthodoxe auxquels se heurtent de nombreuses tentatives de réformes et de renouvellement en termes de propositions théoriques et d'action politique. C'est essentiellement ce discours archaïque face aux questions économiques et religieuses qui est derrière la disjonction entre la gauche et les réalités du pays et une coupure entre la gauche et son propre héritage réformiste !
C'est seulement par un dépassement de ce discours que la « gauche du possible » sera possible.
Comme exemple de ce dogmatisme, Baccar Gherib cite les appels au reniement de la dette odieuse et s'insurge contre «la légèreté avec laquelle la gauche s'attaque à des questions économiques d'importance». L'auteur essaie de montrer ce qu'il y a de cavalier et d'inconséquent dans de telles attitudes, symptomatiques, selon lui, d'un « égalitarisme primaire». L'espoir d'un monde plus juste est-il donc perdu face à la fatalité du néolibéralisme dévastateur ?
L'auteur relève, ensuite, l'inconsistance de la gauche dans son approche des questions identitaires et religieuses. Il critique sa position dogmatique face à la religion alors que les approches éclairées de l'Islam existent. Il s'agit pour les esprits progressistes d'arracher la légitimité de l'exégèse des seules mains des esprits rétrogrades. Concernant l'actualité, l'hypothèse développée est la suivante : la montée des partis d'obédience religieuse n'est pas due à un conservatisme atavique mais à un repli identitaire causé par le choc de la modernité. La démonstration de l'auteur est intéressante et se termine par ce constat cinglant : la modernisation ne se fera pas d'un trait de plume mais consistera en un travail de longue, voire de très longue haleine...
Le réalisme politique dont se revendique l'auteur, et sa définition lâche du concept de gauche, n'entraînent-elles pas un reniement de l'héritage marxiste qui est le liant entre toutes les gauches ?
D'un certain point de vue, ce travail constant de repositionnement est une des exigences du marxisme. Marx n'a-t-il pas confié à Paul Lafargue qu'il n'était pas marxiste si par marxisme on entend une pensée figée qui n'exige pas la reconsidération des principes politiques aux prises avec les contextes ?
C'est aussi à ce niveau, plus généraliste, que cet essai est aussi intéressant. En référence aux travaux de Gramsci, et partant d'un contexte local, Baccar Gherib pose la question de l'historicisme et de la praxis, à une doctrine qui s'est confrontée, avec les résultats que l'on sait, à la pratique de gouvernement. Cet écart vis-à-vis de l'orthodoxie place cet ouvrage dans la mouvance néomarxiste.
Il demeure que ces réévaluations du rôle politique de la gauche risquent de la réduire au rôle du « gestionnaire social du capitalisme ». L'exercice d'équilibrisme entre l'utopie et le réel est une nécessité historique, semble dire Gherib. Ce serait l'unique stratégie pour évite
r le pire (qui serait le «il n'y a pas d'alternative au libéralisme débridé» de la doctrine Thatcher). Mais ce faisant, ne se prive-t-on pas du meilleur ?
La Presse, le 29 - 03 - 2014.
Baccar Gherib, Pour une refondation de la gauche tunisienne, 104 pages, Diwen Editions, 2014. Prix : 7D.

dimanche 2 mars 2014

Jim Jarmusch, l'errance désabusée...

"Chacun de nous est une planète tournant vers l'extase..."


Alors que d’autres se seraient engouffrés dans la brèche du succès glané par leur œuvre précédente, certains artistes préfèrent continuer malgré la tentation de la popularité à fouiller dans les possibilités et dans le potentiel expressif de l’art. Ou peut-être sont-ils en quête d’un accomplissement spirituel ou intellectuel (souvent le premier plus que le second) qui les pousse, à chaque fois, plus loin sur des routes semées d’incertitudes. C’est là que leur savoir-faire et leur authenticité leur servent de boussole…
C’est le visionnage du dernier film de Jim Jarmusch, The Limits of control, un faux thriller existentialiste, qui nous a inspiré ces quelques lignes d’introduction, il est vrai, un peu lyriques et franchement admiratives. Un film qui s’ouvre sur cette citation du bateau ivre d’Arthur Rimbaud : « Comme je descendais des fleuves impassibles, je ne me sentais plus guidé par les haleurs »
Citation qui signe le retour du cinéaste parmi les « voyants » ?
Car après le succès populaire de Broken Flowers avec Bill Murray et Sharon Stone, le cinéaste emblématique de l’underground, aurait pu être tenté par la veine commerciale, tant il a démontré qu’il pouvait jouer de l’émotion…
Mais le cinéaste New yorkais, épigone de l’écrivain beat Jack Kerouac, du cinéaste Nicholas Ray dont il a été l’assistant et bien sûr de John Cassavetes, a su garder ses relents rebelles restant ainsi au plus près de la culture indépendante et alternative revendiquant un avant-gardisme apolitique mais subversif dans ses formes et ses propositions artistiques. L’univers de Jarmusch est parsemé de références qui vont des arts plastiques (essentiellement la photographie et Robert Frank tout particulièrement ) , aux grands noms de la modernité ou de la postmodernité littéraire ( William Faulkner, André Breton ou W.S. Burroughs par exemple) ou cinématographique ( Antonioni ou Oshida) et aux musiciens proches de la Factory d’Andy Warrhol ( Patti Smith, les Talking Heads, Télévision…). Ce sont eux qui composent les références récurrentes de la marque Jarmuschienne.
La plupart des films de l’auteur sont d’ailleurs des hommages purs à la culture rock, en ce qu’elle a décalé, et de poétique, ou de la rock attitude comme manière d’habiter le monde.

Year of the horse, réalisé en 1997, est un portrait de l’immense Neil Young, figure titulaire du mouvement hippie. Mystery train ( 1989) est un film où les sketchs sont autant de variations sur le thème de la fascination et de la désillusion face aux figures mythiques. Ici c’est la rencontre avec un lieu, Memphis, Tennessee ( où se fera la synthèse du blues et du country) et le Studio Sun qui est la destination de la quête des « héros » de ce triptyque . Plusieurs musiciens sont d’ailleurs engagés par Jarmusch pour camper les rôles principaux : Iggy Pop, Tom Waits, The White Stripes, Joy Strummer ( ex The Clash), Screamin’ Jay Hawkins et bien sûr l’expérimentateur Jazz-pop John Lurie, héros taciturne et paumé du magnifique Stranger Than Paradise réalisé en 1984 ( caméra d’or à Cannes ). Ce film est un hommage au mentor Wim Wenders. Certaines atmosphères et tonalités rappellent l’univers poétique de certains chefs d’œuvre comme Alice dans les villes ou Au fil du temps. Stranger than paradise raconte les déambulations désabusées et mélancoliques d’un trio dans une Amérique filmée comme une grande étendue désertique où le voyage dément l’image de l’ailleurs rêvé et devient une expérience de radicalisation de l’étrangeté des personnages. Ces derniers finissant parfois par ressembler à des somnambules débarqués d’un anti-récit beckettien.
Décalage qui n’est pas surprenant pour un cinéaste qui se définit comme un artisan, faisant, selon son producteur, des « garage films » en référence aux groupes rock amateurs et naïfs répétant dans les garages, Jarmusch ne cesse de répéter « je ne suis pas intéressé par les valeurs allant de soi ». Bienvenue au royaume des marginaux magnifiques et des fables- minimales- et erratiques.
Après s’être intéressé – sans en donner l’air- à la spiritualité indienne, dans Dead Man (1995), et japonaise, avec Ghost Dog, la voie du samouraï ( 1999), voilà qu’il atteint dans son dernier film The limits of control, l’épure bouddhiste, avec un personnage principal qui mène une vie on ne peut plus monacale sous le signe du Zen.
Dans ce dixième long métrage de Jarmusch, un homme se déplace de ville en village perdu dans une Espagne presque tout le temps ensoleillée. Il ne dit mot, silencieux et solitaire comme un pèlerin de l’âme. Il se nourrit de café selon un rituel qui confine à l’obsession ( deux espresso dans deux tasses séparées) , fait ses exercices de Tai-chi et rien ne semble pouvoir le détourner de cette solitude ascétique ni de son objectif que deux drôles de zèbres lui assignent dans des aphorismes troublants et obscurs…
Le voyageur anonyme (« Lone man », joué par Un Isaac de Bankolé  magistral), rencontre à la terrasse de cafés des personnages plutôt volubiles qui s’adressent à lui en arabe, espagnol etc (lui qui ne comprend ni l’une ni l’autre langue), et qui l’entretiennent de peinture, de molécules, de cinéma (« j’aime bien les films où les gens sont juste assis sans rien dire ») et qui, avant de partir, échangent avec lui des petits bouts de papiers cachés dans des boîtes d’allumettes, avec le dessin d’un boxeur, sur lesquelles sont griffonnés des codes secrets. Parmi les phrases lancées par ces étranges « contacts » : « La vie ne vaut rien », « Les soufis disent : chacun de nous est une planète tournant vers l’extase » ( on doit cette phrase à l’actrice japonaise Youki Kudoh), « celui qui se croit plus grand que les autres doit aller dans les cimetières ( une phrase qui prend un sens particulier quand elle est prononcée en arabe par l’actrice palestinienne Hiam Abbas) ou « pour moi le reflet est plus présent que la chose reflétée », « la réalité est arbitraire », « tout est subjectif »…
Tout ce mystère se dénoue à la fin du film où la scénarisation et la mise en scène minimalistes (portée par les images de Christopher Doyle) trouvent tout leur sens. Le rébus mis en place se solutionne et Jim Jarmusch livre sa lecture acerbe, mais distante, d’un monde où la technologie est devenue omniprésente. « Lone Man » se trouvant face à l’américain qui « contrôle » tant de transactions à partir d’un bunker planté dans le désert espagnol…
Certains critiques ont vu dans ce film, qui a reçu par ailleurs un accueil très mitigé, l’allégorie du parcours solitaire d’un cinéaste isolé au sein de l’industrie de plus en plus « technologique » et de moins en moins « imaginative ».
Je pense que l’hypothèse tient la route. Car pareil à son personnage taiseux dont les relais essaient d’interpréter la démarche, Jarmusch s’est construit de film en film un groupe de fidèles exégètes. Cela ne l’empêche pas d’avoir à chaque fois à affronter l’industrie qui réduit le cinéma à un commerce…
Jarmusch dans ses rêveries douces et narquoises n’aime vraiment pas les valeurs évidentes…