C’est la lecture d’un article sur le western crépusculaire qui m’a amené à revoir
quelques films dont l’incontournable « Coups de feu dans la Sierra ». Dans la
foulée je me suis retrouvé en train de revisiter l’œuvre du réalisateur américain
Sam Peckinpah.
Si Peckinpah est considéré, à juste titre, comme un grand nom du western des
années soixante, c’est un drame psychologique, tourné en Angleterre qui m’a
inspiré cette chronique. Il s’agit de Straw Dogs ou Chiens de pailles réalisé en
1971 avec Dustin Hoffman et Susan George dans les rôles principaux.
Ce qui singularise ce film c’est qu’il est l’unique dans la filmographie de
Peckinpah à avoir été tourné hors continent américain.
David, jeune et brillant mathématicien américain quitte son pays pour rejoindre
sa fiancée installée dans la campagne anglaise. Il va être très vite confronté à
l’hostilité des villageois aux mœurs obtuses et aux attitudes agressives.
Le couple qui peine à trouver un équilibre à cause de l’écart intellectuel, va se
heurter aux provocations de la bande menée par Charlie Venner, l’ancien amant
d’Amy.
Raillé pour sa fragilité, David va tout de même essayer de se faire adopter par le
groupe. Pacifiste, il accepte de se joindre à une partie de chasse…
Charlie profite de l’absence de David, pour aller harceler Amy et la violer. Il est
rejoint par un autre membre de sa bande…
La violence va déferler dans cette ambiance marquée par la tension en
crescendo, point fort de l’écriture de Peckinpah. Il est maître dans l’art
d’installer des ambiances malsaines…
David héberge, ensuite, un arriéré mental soupçonné d’avoir enlevé une
adolescente…
La maison du couple est alors sauvagement attaquée par une horde vengeresse.
Jusqu’à quel point David, va-t-il s’accrocher à son éthique pacifiste, accepter
l’humiliation et s’en tenir à sa foi dans la négociation ?
Si Sam Paeckinpah est un auteur controversé, il l’est justement à cause des
interprétations contradictoires qu’on donne de l’ultra violence qui hante ses
films.
La violence serait libératrice. Elle permettrait aux personnages de dépasser un
cap, un blocage. Le fait de toucher ce côté animal dans l’homme serait
nécessaire pour se retrouver…
Cette représentation tombe, bien sûr, sous le coup de la morale. Poussé par
l’acharnement de ces agresseurs, David, craignant pour sa vie, se transforme en
tueur. Passée la légitime défense, il semble tirer une fierté de ce passage à l’acte.
La scène finale est édifiante à ce propos. « Je n’ai plus de maison » avoue
David, satisfait. Autant dire je suis libre, je n’ai plus besoin de m’abriter quelque
part. Je n’ai plus besoin de fuir…
Loin de l’Amérique et du western, Peckinpah transpose une partie de ses
préoccupations dans le cadre de la campagne anglaise.
Il reprend sa typologie des hommes qu’il a développée de film en film: entre les
méchants qu’il ne juge pas, les politiques et les religieux qu’il n’apprécie pas, et
les antihéros inadaptés, paumés et marginaux, qu’il semble affectionner.
Il reprend aussi l’image assez machiste et du moins ambigüe qu’il donne de la
femme. Immature et émotive.
Et il y a surtout ce motif de l’ultra violence qui fait que certains taxent l’œuvre
de Peckinpah de fascisante.
Il reste que de nombreux critiques ont proposé une autre lecture de cette
violence. Elle serait l’expression majeure du désespoir des héros. Ce dernier sait
que son action est vaine, mais il l’accomplit pour « la beauté du geste »
Mais la tournure, et les ajustements que fait Peckinpah dans Chiens de paille
nous mènent forcément du côté d’une très forte ambivalence…
Chantre mélancolique de la liberté ou apologue d’une violence restauratrice ou
édificatrice ?
Sam Peckinpah ne répondra jamais clairement à cette question.
Disparu à l’âge de 59 ans, il n’aura connu que des déboires à cause de ses
relations très tendues avec ses producteurs. Ces derniers ne lui ont jamais
accordé le droit au Final cut.
Sam aura aussi été une énième victime d’une addiction sévère à l’alcool, qui
aura détruit plus d’une carrière brillante à Hollywood.
(5 Décembre 2019/ Misk)