octobre 2010.

octobre 2010.
Master Class Yousri Nasrallah et Tarek Ben Chaabane

mardi 7 juin 2011

La communication ? Une drôle d’histoire…

                                   
Nous avons beau consacrer le plus clair de nos journées à accomplir des tâches sérieuses,  notre besoin d’histoires,  restera toujours aussi immense et intense.
Avec l’âge beaucoup se détournent des contes où les grands-mères nous rapportaient les aventures périlleuses  de princesses, fées et autres créatures merveilleuses ou fantastiques. Ces narrations formatrices, qui donnaient un sens à la vie et aux mouvements du monde, trouvent aujourd’hui une filiation dans les belles fables initiatiques, dont l’intrépide Harry Potter, apprenti sorcier qui s’assume, est le dernier et non des moindres porte-drapeau ( ou baguette magique, il faut voir !), du moins quand on lorgne du côté du tiroir-caisse…
Mais quand le récit investit l’univers des media, il finit par rattraper même les plus récalcitrants d’entre nous. Le récit s’immisce alors dans des univers où sa seule  citation aurait provoqué, rien que quelques années auparavant, des sourires  forts dédaigneux ou des levers de boucliers intransigeants…
Paru il y a quelque temps l’essai  de Christian Salmon, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits (Editions de La découverte) reconduit le soupçon qui pèse sur la médiatisation du monde et sur les excès de la mise en récit.
La démonstration faite par l’auteur ressemble à un petit manuel à l’usage du nouvel entrant dans le domaine de la communication publique. Les sceptiques y trouveront des outils pour débusquer les relents des idéologies qui s’insinuent dans chaque tournure de phrase, dans chaque allitération…
Formes et contenus du cinéma, du théâtre et de la littérature passaient jusque la au crible des lectures et exégèses qui ont institué le soupçon comme moyen d’aborder ces appareils de « distraction massive », avec parfois, il faut le reconnaître, beaucoup de pertinence…
Mais dire aujourd’hui que certains groupes d’influence « gèrent » le système de représentation du cinéma américain, que les grosses multinationales « influent » sur les agendas de la presse, que de nombreux médias dysfonctionnent en temps de conflits, dire cela ne choque ni ne surprend plus personne. Mais d’après Salmon, il y a du nouveau. Car un pas de plus aurait été franchi, dans la création du monde comme fable, qui rend difficile tout retour en arrière…
Nous sommes à une époque où un récit bien construit, qui sait s’adresser aux affects et aux émotions, est la clé de toute entreprise qui veut s’inscrire dans la durée…
L’hypothèse que propose et défend Salmon est la suivante : la sphère publique est passée de l’ère des arguments à celle de l’art de raconter des histoires, du storytelling
Ou comment les media et la communication sont rattrapés par les techniques éprouvées dans le management et les ateliers d’écriture !
Les spins doctors, ces maîtres à formuler des intrigues, ces conseillers en communication qui ont migré petit à petit vers l’espace plus fermé de la politique ont commencé par investir dans les années quatre vingt les départements de communication des grandes sociétés pour les aider à gérer ou à se construire une image.
Robert Mc Kee, scénariste gourou et auteur du fameux Story, un des manuels d’écriture scénaristique les plus lus au monde, anime à ses heures des séminaires de storytelling pour des grands groupes industriels avec l’objectif  suivant : « Motiver les employés  par les émotions ».  Et pour cela il n’y a pas mieux qu’une bonne histoire. Une narration qui inscrit la société dans une geste et une aventure héroïques et qui la définit comme un acteur en prise avec les facéties de l’Histoire (économique ou autre…) et les péripéties de la petite histoire…
Pour ce faire, il faut que les opérateurs apprennent à scénariser, à créer des objectifs, à imaginer des obstacles et des conflits, à chercher le moment épique qui se prête à une mise en intrigue. A partir d’un démarche herméneutique, Paul Ricœur, dans son célèbre temps et récit, définissait cette opération comme une médiation qui permet d’agencer et de réfléchir le temps humain pout y être « chez soi ».
Loin de porter cette profondeur existentielle, le storytelling intervient aussi comme une thérapie de choc quand l’image d’une entreprise ou de l’un de ses produits sont mises à mal. Il s’agit alors de convoquer des spiners pour qu’ils inventent une nice story (jolie histoire) pour redorer le blason de la boîte. Faire le récit des réussites ou inscrire le produit dans une histoire est plus à même de provoquer l’identification que de vanter ses mérites et caractéristiques. En consommant ceci ou cela les clients vont avoir l’impression de s’inscrire dans une aventure dont ils connaissent les mécanismes, et dont ils devinent les tournants et les renversements.  Reconnaître le mécanisme narratif, c’est rendre la fable édifiante, puisqu’elle donne ainsi une cohérence au disparate, puisqu’elle organise une vision du monde, puisqu’elle engage le suspense…
Cette dimension narrative allait entrer dans l’espace public. Plusieurs décideurs américains de premier plan s’entourent  de scénaristes recrutés à Hollywood et de publicitaires.  Ces derniers ont pour mission de donner de l’énergie et du mordant aux décisions…On perpétue  ici une tradition inaugurée par le Président Lyndon Johnson et son conseiller Jack Valenti qui deviendra plus tard le patron de la fameuse Motion Picture Association of America (M.P.A.A.)
Voila donc l’humanité installée,  la mondialisation aidant, dans la période du tout narratif. Le monde appartient, selon Salmon, à celui qui se donne les moyens de raconter, c’est-à-dire à celui  qui parvient à « inventer », à suggérer et à diffuser une histoire. Avec tous les risques que cela suppose. L’excès de fiction pouvant détrôner la quête de vérité…
Ceux qui s’intéressent à l’évolution du monde des médias sauront reconnaître certaines propositions et analyses déjà en cours depuis un moment.
Le journalisme narratif et la mise en récit des événements, que ceux-ci référent à la grande histoire ou aux petites anecdotes du quotidien, s’appuient sur  des techniques assez courantes dans les rédactions, surtout quand il s’agit de reportages et d’enquêtes. Les structures du récit venant souvent à remplacer les  formes classiques d’organisation de la matière informationnelle sans que cela ne tienne d’une instrumentalisation…
Cette forme ayant prouvé par ailleurs son efficacité…
Les grands récits, comme les mythes, ont, par ailleurs, toujours existé ( voir l’importance accordée aux histoires- primordiales ou fabuleuses-dans les cultures abordées par  Mircea Eliade). Ils ont été régulièrement critiqués, surtout dans leur configuration postmoderne ( La notion de simulacre chez Jean Baudrillard, ou les réserves récurrentes quant au « formatage esthétique » de la réalité par les média, sont deux exemples parmi tant d’autres). Mais les récits ont servi, loin de toute intention ou de programmatique idéologiques, à construire des représentations humanistes, à fonder un être ensemble civique,  loin de toute soumission au consumérisme ou à une globalisation enchantée…
Encore plus de récits ?
Volontiers !
D’autant plus qu’on sait qu’une partie de l’histoire se joue toujours dans son actualisation par l’usager à qui il incombera de déchiffrer, comprendre, détourner, construire et grandir…


                                                                                                          






samedi 14 mai 2011

Histoires de lumière...

Parce qu’il fait partie intégrante de notre vie et de notre quotidien, parce qu’il forge même nos représentations du monde et parce qu’il inspire nos conduites,  nous oublions presque que le cinéma a eu, à ses débuts, du mal à s’imposer à des élites artistiques et sociales réticentes.
Quand on sait avec quel empressement Auguste et Louis Lumière ont abandonné aux forains et autres magiciens leur admirable invention qui allait devenir, seulement quelques années plus tard, l’art du siècle, on se rend compte que le passage à la postérité du cinéma avait tout d’une gageure.
Les Lumière ont douté, vendant peu cher la peau du cinématographe : scientifiquement, commercialement et artistiquement, ils ont décrété le cinéma invention sans avenir. « Faire des films, ce n’est plus mon affaire ! » lance un Louis dépité devant un public désertant les projections, las de ces « vues » devenues monotones. Un public qui inaugurait, par là même, le cycle interminable des « crises » du cinéma.
Les Lumière ont eu tort. Le cinéma s’est imposé partout. Il est même devenu  l’attraction, parvenant à rallier ces franges de la société qui ont suivi, avec suspicion, sa longue marche vers la consécration, vers sa légitimation en tant qu’art.
Un livre fort intéressant a d’ailleurs paru, qui recense, présente et commente  les interrogations  qui ont entouré la naissance du cinéma et les réflexions « originelles » qui ont été faites à son sujet : Réflexions, parfois inédites ou passées inaperçues d’écrivains, scientifiques et artistes et qui jalonnent les cinq cent pages du livre de Daniel Banda et José Moure, Le cinéma. Naissance d’un art 1895-1920. (Flammarion, 2008).
Il est vrai que l’époque était aux grands chantiers artistiques : les avant-gardes se bousculaient au rythme de la modernisation du monde…
Beaucoup se sont donc intéressés à cette invention.  
Leurs appréciations vont de l’exaltation au catastrophisme. C’en est ainsi à chaque fois qu’apparaît un nouveau média.. Et pourtant, ils étaient déjà nombreux qui ont pressenti le potentiel de liant culturel et social du  cinéma.
Quelle que soit la valeur de ces « pensées du cinéma » marquées par l’impressionnisme ou par les impératifs de l’idéologie et qui ne se fondent que rarement sur du concret, -du « terrain » comme diraient certains pragmatiques-, elles n’en dévoilent pas moins la magie que cet art exerce, ainsi que sa  part de mystère. Voici un panoramique sur des prises de position assez tranchées : Gorki se dit effrayé au sortir du royaume des ombres,  les philosophes francfortois disent scruter l’abîme dans lequel, le cinéma, média de masse, allait emporter l’art authentique, Kafka  juge le mouvement accéléré des images déplaisant et dérangeant pour les yeux et Tolstoï qui prédit, lui,  des moments difficiles pour la littérature puisque le cinéma peut dorénavant se tenir au plus près de la vie !
Aujourd’hui que le cinéma est ce qu’il est, le débat s’est déplacé. Les joutes théoriques sont parfois très dures. Mais les postures dubitatives ont quasiment disparu, (même si la crise perdure depuis !)  et les discours exaltés sont revenus vers des mystiques plus apaisées ( même si certains puristes …). Et si l’époque est à la déconstruction des passions et  à la distanciation, le cinéma garde de cette fièvre des premiers temps ce quelque chose qui   fait que ce « caillou dans une chaussure » fascine toujours autant. C’est peut-être son utilité, son côté « école du soir » comme disait Sembène. Une école où on va quand on aime la vie… 

mercredi 6 avril 2011

Courts métrages tunisiens. Essai d'approche thématique.


De quoi parlent les courts métrages tunisiens produits ces dernières années ? Et qu’est ce qu’ils disent ?
Où se placent-ils par rapport aux longs métrages ?
Est-ce que la vague montante, formée par des cinéastes dont la moyenne d’âge se situe autour de la trentaine, rompt avec la production qui la précède ou est-ce qu’elle creuse les mêmes sillons thématiques abordés par le cinéma des « aînés » ?
Posée ainsi la question a de quoi surprendre. La démarche qui se préoccupe de sonder les sujets traités dans les films semble un peu reléguée. Les virages théoriques et critiques des années soixante se sont érigés principalement contre toute approche du contenu qui ne soit pas fixée à des termes purement esthétiques, à une « essence artistique » éventuelle du septième art. Des auteurs, et des plus sérieux, ont même parlé de « dérive formaliste » tellement on a œuvré à opérer une rupture entre l’art et le sujet. Doit-on pour autant vouer aux gémonies toutes ces discussions passionnées autour d’un sujet de film ? Doit-on « snober » ces polémiques provoquées parce qu’on a apprécié différemment la manière dont un sujet « brulant » a été traité ?
Ce serait faire la sourde oreille à son environnement…
Des pistes pour une lecture…
F. Boughédir a, entre autres approches, classé les films tunisiens de longs métrages (années 60 à 90) en catégories à partir des sujets, des thématiques générales et parfois du style de l’auteur. L’intérêt de cette démarche étant essentiellement de dégager la tendance « thématique » prégnante avant d’essayer de comprendre le pourquoi de cette prégnance. Boughédir proposait un thème transversal : celui de la femme et quatre grandes tendances thématiques : « Cinéma engagé » où les cinéastes prennent position sur l’actualité sociale immédiate, « cinéma culturel » quand les cinéastes œuvrent à mettre en valeur le patrimoine civilisationnel et culturel, « cinéma commercial » quand ce qui prime est d’offrir un divertissement et « cinéma d’expression personnelle », là où la recherche formelle devient, intentionnellement, l’argument principal du film, la motivation du geste créatif.
Il est sûr que ces thématiques se sont identifiées à des lieux, des tournures de dialogue, des époques, des figures de comédiens, qui tournent parfois au cliché. Mais cela ne se fait pas systématiquement comme certains ne cessent de répéter. C’est faire un faux procès aux films tunisiens que de les réduire à une somme de stéréotypes. Les lieux tant décriés ,par exemple( La médina…), sont ,généralement, très bien fonctionnalisés dramatiquement à part le fait qu’il soient porteurs d’une dynamique narrative…
L’important ici, c’est que de nombreux jeunes ou nouveaux cinéastes se sont fait l’écho de cette critique récurrente qui prend parfois des tournures acerbes.
Courts produits autrement…
Un grand nombre de courts métrages sortis ces dernières années a été produits selon des formules qui rompent avec le circuit habituel. Le passage par l’aide du ministère de la culture et de la sauvegarde du patrimoine n’est plus déterminant même si la subvention offre les conditions d’un tournage confortable et une légitimité au film. Le projet peut alors se prévaloir d’avoir été sélectionné par une commission d’experts, formée généralement par des pairs. Faire un film n’est plus tributaire, non plus, du passage par les institutions internationales, essentiellement l’Organisation Intergouvernementale de la Francophonie en ce qui concerne les courts.
L’outil numérique permet une économie d’argent et de personnel aussi bien pendant le tournage que pendant l’étape de la post production et offre donc une grande marge de manœuvre. Un dispositif de projection volant ouvre sur des nouveaux modes de visionnage et une circulation sensiblement plus facile des films.
L’expérience « Dix courts, dix regards », initiée en 2006 par le cinéaste Ibrahim Letaief, a pu créer une dynamique particulière. L’idée qu’un public puisse aller en salle pour voir un programme de courts métrages tenait du pari. Un pari gagné puisqu’un enthousiasme certain a entouré la sortie de la collection. Le passage à Cannes a fait le reste, même s’il a été un peu sorti de son contexte, c'est-à-dire sur-dimensionné,  pour des motifs de propagande politique. Mais c’est la loi du genre…
Cette initiative a inspiré de nombreux opérateurs et beaucoup de nouveaux venus ont tenté l’aventure (parmi lesquels de nombreux représentants des premières promotions des écoles étatiques de cinéma). Nouveaux venus, nouvelle formule pour fabriquer les films mais quoi de nouveau au niveau des thèmes ?
Des courts et des visions…
Sur près d’une cinquantaine de films que nous avons eu l’occasion de voir, la tendance du « cinéma culturel » semble trouver en Mourad Ben Cheikh un digne représentant. Formé en Italie et féru de culture arabe classique, il tourne coup sur coup deux courts dont les scénarios sont adaptés d’auteurs importants : Ali Douagi pour le premier et Al Maari pour le second. Dans « Une saison entre l’enfer et le paradis » (2008), B. Cheikh tente l’équilibre entre la mise en valeur d’un classique de la littérature arabe et universelle ( L’épitre du pardon) et ses préoccupations esthétiques propres, plastiques, serions nous tentés de dire. Son film parle d’abord de culture et pose en filigrane une question importante : comment, sans céder à l’attrait que peut exercer le versant anecdotique d’un épisode narratif, actualiser, tant au niveau formel que thématique (existentiel en l’occurrence), les interrogations qui traversent une ouvre littéraire ancienne et majeure, réputée « intouchable » ?
Ultime remarque concernant ce film : c’est l’une des rares adaptations. Le genre continue à ne pas attirer les cinéastes tunisiens. En plus de quarante ans, seuls quelques films se réfèrent à des œuvres littéraires alors que plus de la moitié des scénarios qui sont à base de la production mondiale de fiction audiovisuelle sont des adaptations.
Malik Amara, formé en France, est un autre nouveau cinéaste dont le film pourrait se rapporter à cette tendance « culturelle ». Le Poisson noyé essaie de déjouer les pièges des stéréotypes et se construit sur le fil ténu qui sépare deux termes extrêmes d’une pratique culturelle : le folklore et l’inscription dans l’universel. Marqué par le cinéma d’Emir Kusturica dont il se réapproprie certains codes : un coloriage baroque, un rythme vivace et le réalisme…magique, Amara aborde, sans pathos, le thème des croyances populaires. Il ancre son film dans le quotidien d’un village tunisien et tente de redonner de l’énergie (celle du style) à des croyances et à des fables qu’on pourrait croire abandonnées aux clichés. Son second court-métrage " Linge sale" brode dans la même direction mais perd le contact avec l'imaginaire collectif. Plus tranché au niveau de l'écriture il perd l'aspect "elliptique" qui introduisait une certaine poètique du temps dans son premier film.
Un cinéma de l’effet.
Il serait exagéré de parler de cinéma commercial à propos des courts métrages, mais on pourrait retenir l’intention de divertir à partir de thèmes très actuels. Les sujets de prédilection de cette tendance sont essentiellement construits autour de la vie affective : le mariage (ses promesses et ses difficultés), la vie de couple, les choix de vie, les difficultés de communication.
Ces sujets sont souvent (et pas toujours) traités sur un mode léger, voire anecdotique et superficiel. Un effet d’écriture est souvent recherché au détriment d’un style et d’un traitement du thème en profondeur, c’est-à-dire d’une manière qui laisse deviner une vision élaborée du cinéaste sur son environnement. La structure de la blague est souvent employée dans ce qu’on appelle des films à chute. Le but étant de surprendre le spectateur, de le dérouter. Les auteurs tombent ainsi dans un exercice de style narratif et non cinématographique !
Quelques réussites pourtant dans le genre : « Obsession » (2009) de Amine Chiboub. Film maitrisé qui s’appuie sur un dilemme psychologique renvoyant métaphoriquement à l’appréhension de l’inconnu et de l’ailleurs…
Le film à chute comme effet de mode ? Ce genre est en train de céder la place à un cinéma plus radical tant au niveau des thèmes que de l’approche formelle.
C’est l’équipe qui tourne autour de la société Exit Productions ( Mahmoud Abdelbar, Alaeddine Slim, Amen Gharbi, Ridha Tlili… ) formés à l’Institut Supérieur des Arts du Multimédia ( ISAMM) qui se rapproche de la tendance « esthétique » . Au risque de l’incommunicabilité, les films produit par cette jeune maison de production, entreprennent dans « Foundou », « Ayan Kan » « le Stade », « la boue » ou " "la citerne" une recherche formelle très intéressante ne serait-ce que parce ils essaient d’établir des propositions visuelles cohérentes, épurées et surtout assumées en s’appuyant sur le seul potentiel expressif de l’audio-vision. Il est donc clair que cette équipe trouve des appuis théoriques chez des critiques radicaux ou universitaires.
Proches de cette tendance "Au commencement" de Sadri Jemail, "A ma place" de Mehdi Barsaoui,l'elliptique "The last song" de Homeida Béhi, "Le dernier wagon" de Sara Abidi ou le sombre "Le dernier Minuit" de Mehdi Hmili.
Le court métrage donne la possibilité de cette liberté formelle puisqu’il est aussi le lieu de l’expérimentation.
D'autres films pourraient sans peine être placés dans cette catégorie : "Le dernier Wagon "de Sara Labidi, ,film cérébral et souvent "distant" qui nous introduit dans l'univers mental d'une femme écrivain , " The last song" de Homeïda. Béhi et "Mouja" de Mohamed Ben Attia deux films sensibles mais où émotion et contemplation sont diluées dans une lenteur "impressionniste"  pour l'un et dans un rythme monocorde pour l'autre, "Au commencement" de Sadri Jmaïl, "l'énigmatique "L'alliance" de A. Bouchnaq ou le sombre "Le dernier minuit' de Mehdi Hmili.
Le cinéma engagé ? L’appellation, comme celle qui concerne le cinéma commercial est à reconsidérer. Mais des courts métrages qui font leur, et ouvertement, les problématiques du moment existent. Si le traitement glisse souvent vers le discours direct et si certains courts se transforment en films-dossiers qui se donnent pour programme d’épuiser un phénomène social, tous les films ne tombent pas dans ce piège. Leur approche est moins directe, plus humaniste que didactique. Nous avions parlé,ailleurs, de la tentative de Kaïs Zaied comme un exemple. Conversations, qui a d’ailleurs beaucoup voyagé dans les festivals, parle de la guerre, de ses dégâts, mais aussi d’un autre engagement celui qui consiste à rester du côté des valeurs « simples », comme l’amitié et l’imaginaire émancipateur...
Trois films produits dans le cadre de la collection "Dix courts, une cause" ( 2010)attirent l'attention par le traitement narratif très personnel d'un même sujet : le don d'organes. ils sont l'oeuvre de deux ressortissants de l'ISAMM : Majdi Lakhdar "Grand coeur...", Monatacer Lassoued , "Le voleur de fruits" et d'un ancien du cinéma amateur :Rafiq Omrani avec " Ali Ould essoltana"qui se rapproche, lui,  de l’esthétique du cinéma populaire à thématique engagé en référence au nouveau cinéma égyptien des années 80-90.
Présenté lors des dernières J.C.C, les films de Chiraz Fradi, "Album"  et Meriem Riveil "Tabou" renouent avec un questionnement sur l'identité féminine face à une société répressive. "Vivre" de Walid Ettaya n'est pas loin de poser cette problématique. Son film vaut par une écriture assez réussie de l'intériorité du personnage principal, mais pêche par des excès lorsqu'il s'agit de souligner des situations absurdes. Deux ans auparavant, Mohamed Ali Nahdi s'était attaqué à la censure dans " Le projet" et Sami Haj aux structures éducatives autoritaires comme métaphore du pouvoir politique dans " Fouska".
Peuvent être rapportés à cette tendance, les films de Chiraz Fradi( "Album"), Mériem Riveil ( "Tabou"), Mohamed Ali Nahdi ( "il était une fois l'aube") ou Walid Tayaa qui renoue,lui, dans " Vivre"( 2010) avec la question de la femme en essayant de l'aborder sans la pesanteur de la démonstration sociologique mais à partir d'une approche qui sonde le tourment affectif. Le film nous vaut de jolis moments de cinéma, surtout concernant l'écriture de la solitude du personnage principal, mais pêche par certaines facilités et excès quand il veut souligner l'asbsurdité de certaines situations...
Plus "politques", les films de Walid Mattar « Condamnations » ( 2010), « Vers le nord » ( 2010) de Youssef Chebbi. Deux films qui traient du désarroi identitaire et économique d'une jeunesse qui sombre dans le piège de l’intégrisme ou de l’émigration clandestine. Ce thème est le sujet d’un documentaire poignant de Leila Chaïbi , « brûlures » ( 2010) qui enquête dans un quartier de la banlieue auprès de jeunes « rescapés »…Toujours dans le thème de l'identité Najoua Slama dans "Tiraillements", confronte ses deux personnages féminins à la question du voile islamique, de l'être et du paraître...
Le niveau intéressant de certains films d’école, laisse présager d’une certaine évolution dans la maîtrise formelle mais il ne faudrait pas que cela se fasse au détriment d’un discours réfléchi, basé sur des propositions esthétiques et éthiques…

vendredi 25 mars 2011

Révolution tunisienne : extension du domaine de la lutte...
Tels des champignons sauvages, poussent ces derniers jours les mal nommés Conseils régionaux de la protection de la révolution...
Avec de faux relents de conseillisme et de sérieuses références aux Soviets ( conseil des commissaires du peuple), ces conseils qui s'érigent en vox populi, nous disent aussi qu'une partie de nos concitoyens bloquent encore sur des représentations idéologiques pour le moins surannées et font l'impasse sur ce qui fait la vitalité et l'actualité de la réflexion marxiste ( de Negri à Jappe...)
Inquiétant,me diriez-vous, vu qu'une autre partie du peuple se réfère au septième siècle, et jure y trouver exutoire à son ressentiment et remède à son désarroi !
Contrairement aux seconds, les autoproclamés conseils de la révolution ont l’intérêt d'être visibles. Aux cercles de propagande salafiste qui font florès dans nos mosquées, ils répondent par des communiqués où ils font montre d'un mépris certain pour la démocratie parlementaire.
Ils s'investissent en tant que défenseurs du peuple dans une sorte d'élan mystagogique ( il y a dans ce néologisme de la mystification, de l'illumination mystique et de la démagogie ) auquel adhèrent, à notre grande surprise, des figures du marxisme tunisien intellectuel ( à opposer au marxisme agraire ou khmer et au marxisme dégénéré des entrepreneurs soi-disant keynésiens ( sic!) qui oublient, en faisant leurs comptes, que l'Histoire est d'abord celle de la justice sociale !
Nous avons assisté, par exemple, au coup de gueule d'un respectable militant perspectiviste, qui vitupérait contre l'instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution etc...( concurrente constitutionnellement légitime des conseils) parce qu'elle ne lui a pas offert l'opportunité de dialoguer avec le peuple !
Nous avons vu un représentant des chômeurs diplômés vociférer contre l'exclusion de certaines franges de la société qui ont fait la révolution et qui sont, donc, du côté du peuple contre les spoliateurs !
J'ai vu des étudiants à moi, qui balbutient encore leur Manifeste du parti, grossir les rangs des contestataires au nom du communisme !
J'ai même aperçu des hoxdjistes ( référence au stalinisme albanais) et entendu dire que le leader d'un groupuscule maoïste crépusculaire menaçait d'inviter des camardes pour semer la zizanie au sein de cette vaillante assemblée !
Des alliés objectifs ? Tous le sont, eux qui parlent d'un absolu : le peuple !
Notion bien vague, vous en conviendrez ! Elle aura de toute façon montré sa portée mobilisatrice relative dès que quelques milliers d'anxieux ont investi les allées du stade olympique pour demander la reprise de la compétition...économique !
Ils ne nous diront jamais si cette reprise s'inscrit dans la continuité du système économique mis en place par le président "défoncé" ( المخلوع)et par sa lamentable troupe . Système ( libéralisme affairiste et gangstéroïde) dont nous connaissons tous l'intolérable injustice...
Cette montée en légitimité des conseils, ce fatras qui a des airs de souk : Ennahdha, la Ligue des droits de l'Homme, El Watad et l'UGTT ( et comment!), font partie des des conseils et de l' instance. Opportunisme ? Exercice d’équilibriste politicard face à des bases vindicatives et activistes ?
Ce gauchisme où, paradoxe bien tunisien, s'allient l'ultra droite et certaines franges de l'ultra gauche, reste bel et bien une maladie infantile pour rester dans l'esprit léniniste !
S'il nous renseigne sur la pratique plus ou moins généralisée du double discours, ce gauchisme ne nous rassure pas beaucoup sur les tergiversations du gouvernement provisoire qui semble dans l'incapacité d'asseoir sa légitimité...
Sommes- nous condamnés à reconduire ce paysage dual en passant du " c'est moi ou le salafisme " du zigomar Ben Ali à celui qui se résume à dire "c'est ou le chaos des conseils ou la placidité libérale du gouvernement provisoire des octogénaires !"
D'autres prédisent un face à face entre islamistes et destouriens réformés et blanchis ( comme si Bourguiba, au despotisme cruel, était absout par lés méfaits de son successeur!) et en cela les surenchères bien peu productives des conseils y seraient pour beaucoup !
Ce serait le pire scénario pour notre famille, socialiste et démocratique !
Il s'agit, donc, de continuer à faire pression sur le gouvernement provisoire pour qu'il applique fermement la loi et contrer ceux qui font des surenchères en convoquant une sainteté virginale du peuple devenu bloc monolithique. Cette mystique,de Robespierre à Pol Pot, n'a fait que des dégâts et on se refuse d'en vivre la reproduction !
Tarek Ben Chaabane
Le 25-03-2011

lundi 14 mars 2011

retrouvé mon mot de passe après deux ans...un bébé et une révolution !