octobre 2010.

octobre 2010.
Master Class Yousri Nasrallah et Tarek Ben Chaabane

lundi 6 décembre 2021

CHIENS DE PAILLE : LA VIOLENCE AMBIGUË DE PECKINPAH…

 



C’est la lecture d’un article sur le western crépusculaire qui m’a amené à revoir
quelques films dont l’incontournable «  Coups de feu dans la Sierra ». Dans la
foulée je me suis retrouvé en train de revisiter l’œuvre du réalisateur américain
Sam Peckinpah.
Si Peckinpah est considéré, à juste titre, comme un grand nom du western des
années soixante, c’est un drame psychologique, tourné en Angleterre qui m’a
inspiré cette chronique. Il s’agit de Straw Dogs ou Chiens de pailles réalisé en
1971 avec Dustin Hoffman et Susan George dans les rôles principaux.
Ce qui singularise ce film c’est qu’il est l’unique dans la filmographie de
Peckinpah à avoir été tourné hors continent américain.
David, jeune et brillant mathématicien américain quitte son pays pour rejoindre
sa fiancée installée dans la campagne anglaise. Il va être très vite confronté à
l’hostilité des villageois aux mœurs obtuses et aux attitudes agressives.
Le couple qui peine à trouver un équilibre à cause de l’écart intellectuel, va se
heurter aux provocations de la bande menée par Charlie Venner, l’ancien amant
d’Amy.



Raillé pour sa fragilité, David va tout de même essayer de se faire adopter par le
groupe. Pacifiste, il accepte de se joindre à une partie de chasse…
Charlie profite de l’absence de David, pour aller harceler Amy et la violer. Il est
rejoint par un autre membre de sa bande…
La violence va déferler dans cette ambiance marquée par la tension en
crescendo, point fort de l’écriture de Peckinpah. Il est maître dans l’art
d’installer des ambiances malsaines…
David héberge, ensuite, un arriéré mental soupçonné d’avoir enlevé une
adolescente…
La maison du couple est alors sauvagement attaquée par une horde vengeresse.
Jusqu’à quel point David, va-t-il s’accrocher à son éthique pacifiste, accepter
l’humiliation et s’en tenir à sa foi dans la négociation ?

Si Sam Paeckinpah est un auteur controversé, il l’est justement à cause des
interprétations contradictoires qu’on donne de l’ultra violence qui hante ses
films.
La violence serait libératrice. Elle permettrait aux personnages de dépasser un
cap, un blocage. Le fait de toucher ce côté animal dans l’homme serait
nécessaire pour se retrouver…
Cette représentation tombe, bien sûr, sous le coup de la morale. Poussé par
l’acharnement de ces agresseurs, David, craignant pour sa vie, se transforme en
tueur. Passée la légitime défense, il semble tirer une fierté de ce passage à l’acte.
La scène finale est édifiante à ce propos. «  Je n’ai plus de maison » avoue
David, satisfait. Autant dire je suis libre, je n’ai plus besoin de m’abriter quelque
part. Je n’ai plus besoin de fuir…
Loin de l’Amérique et du western, Peckinpah transpose une partie de ses
préoccupations dans le cadre de la campagne anglaise.
Il reprend sa typologie des hommes qu’il a développée de film en film: entre les
méchants qu’il ne juge pas, les politiques et les religieux qu’il n’apprécie pas, et
les antihéros inadaptés, paumés et marginaux, qu’il semble affectionner.
Il reprend aussi l’image assez machiste et du moins ambigüe qu’il donne de la
femme. Immature et émotive.




Et il y a surtout ce motif de l’ultra violence qui fait que certains taxent l’œuvre
de Peckinpah de fascisante.
Il reste que de nombreux critiques ont proposé une autre lecture de cette
violence. Elle serait l’expression majeure du désespoir des héros. Ce dernier sait
que son action est vaine, mais il l’accomplit pour « la beauté du geste »
Mais la tournure, et les ajustements que fait Peckinpah dans Chiens de paille
nous mènent forcément du côté d’une très forte ambivalence…
Chantre mélancolique de la liberté ou apologue d’une violence restauratrice ou
édificatrice ?
Sam Peckinpah ne répondra jamais clairement à cette question.
Disparu à l’âge de 59 ans, il n’aura connu que des déboires à cause de ses
relations très tendues avec ses producteurs. Ces derniers ne lui ont jamais
accordé le droit au Final cut.
Sam aura aussi été une énième victime d’une addiction sévère à l’alcool, qui
aura détruit plus d’une carrière brillante à Hollywood.

(5 Décembre 2019/ Misk)

jeudi 16 septembre 2021

  

Clash : autopsie d'une révolution...



Cela fait un bon moment que le cinéma égyptien est devenu avare en bons films. Parmi les  productions de 2016, très peu échappent au syndrome « Lambi » ou au  mélodrame prétendument modernisé par un filmage qui mime l’esthétique des séries américaines.

Seuls quelques films émergent du lot aussi bien pour des raisons artistiques que pour les polémiques provoquées à leurs sorties (ou pas !) en salles. Clash de Mohamed Diab, fait partie de cette poignée de bons films égyptiens (et arabes d’ailleurs !). Sélectionné à Cannes, attaqué, chez lui, par les médias en raison du point de vue politique qui s’en dégage, Clash, est un film qui développe une idée de cinéma à partir d’un dispositif de mise-en-scène risqué et assumé jusqu’au bout.

Le film raconte un huis-clos tendu à l’intérieur d’un fourgon de police où s’affrontent manifestants et contre-manifestants (on est au  Caire en 2013, quelques jours après la destitution de Morsi) issus des classes populaires et moyennes. Pour survivre, ces adversaires politiques sont condamnés aux compromis, malgré la haine, dans ce véhicule qui se transforme en cible déplacée de lieu en lieu par les forces de l’ordre. Il est évident que ce microcosme est représentatif d’une frange, dominante, de la société égyptienne. Du moins au niveau du nombre.

Clash est certes un film engagé mais qui n’oublie pas que le cinéma est aussi un art. Celui de raconter une histoire par les images, avant tout… Sans fioritures, le film parvient à maintenir le suspense même si ça piétine un peu à la fin. La belle prestation des comédiens (notamment Tarek Abd Elaziz) donne à chaque fois de l’élan à un récit dont la trame ne supporte pas de flottement. Nelly Kareem prouve dans ce film qu’elle se distingue largement de l’image très ordinaire dans laquelle se sont confinées les actrices en Egypte (entre Lolita et dure à cuire)! La comédienne parvient à trouver le juste équilibre entre retenue et émotion…

Clash est un film lucide, un film de rupture.  

  Le jeune Ahmed n'est pas un grand Dardenne !

Un cinéaste peut-il creuser le même sillon sans tomber dans le formatage et la répétition ?

On ne peut éviter cette question à la sortie du visionnage du Jeune Ahmed des frères Dardenne.

Présenté à Cannes où les frères belges font partie du cercle fermé des « sélectionnés d’office », le film a encore une fois partagé la critique.

Autant le jeune Ahmed pouvait par moments être attachant avec sa jolie petite bouille et sa fragilité qui semble l’isoler du monde, autant le film nous a paru plier sous le poids des systématismes.

Ahmed est un lycéen de 13 ans qui vit en Belgique dans une famille d’où le père est absent. C’est la mère qui prend tout en charge.

Ahmed est endoctriné par un imam radical. Ce dernier est en conflit avec l’enseignante d’Ahmed car elle se propose d’enseigner la langue arabe dans une forme plus proche du vécu des élèves. Mais selon le zélote cette initiative pédagogique fait partie d’un stratagème pour détourner les enfants de la communauté de l’apprentissage du livre sacré.

Ce qui provoque l’ire de l’imam qui n’arrête pas de vitupérer contre la mécréante.

Impressionné par les vidéos jihadistes que lui distille l’imam, Ahmed va se sentir investi d’une mission d’où rien ni personne ne viendra le détourner : occire la brave enseignante…

Rien n’arrêtera ce jeune héros monomaniaque.

Ni la bienveillance d’un éducateur au centre de rééducation, ni l’intérêt que lui porte une jolie jeune paysanne, ni l’amour d’une maman dévouée…

Le jeune Ahmed évolue dans une sorte d’autisme. A un moment on ne sait plus si l’adolescent est un sectaire convaincu ou si c’est un garçon souffrant de quelques troubles de la personnalité. Rien n’est fait pour nous expliquer l’acharnement dont fait preuve le jeune Ahmed contre son enseignante.

Des pistes pour expliquer cette dérive sont suggérées. De loin. Peut-être que les Dardenne ne voulaient pas jouer aux sociologues. Qu’ils voulaient laisser le spectateur se faire sa propre opinion…

Pourtant, les clichés ne manquent pas. Comme les raccourcis. On pense essentiellement à ces scènes d’ablution répétitives pour signifier le besoin de pureté du petit gars.

Aucune proposition singulière ne viendra troubler cette petite entreprise de réalisme social. Et le film est sauvé par ses comédiens. Justes. Parfaits.

Sur le sujet, il y a eu des œuvres beaucoup plus marquantes. On pense ici au film anglais « Mon fils ce fanatique » de Udayan Prasad sur un scénario de l’écrivain Hanif Kureishi. Ce film sorti en 1997 , nuance ses personnages et évite l’exemplarité des situations…

Dans une posture, qui nous semble, moins péremptoire…