octobre 2010.

octobre 2010.
Master Class Yousri Nasrallah et Tarek Ben Chaabane

samedi 14 mai 2011

Histoires de lumière...

Parce qu’il fait partie intégrante de notre vie et de notre quotidien, parce qu’il forge même nos représentations du monde et parce qu’il inspire nos conduites,  nous oublions presque que le cinéma a eu, à ses débuts, du mal à s’imposer à des élites artistiques et sociales réticentes.
Quand on sait avec quel empressement Auguste et Louis Lumière ont abandonné aux forains et autres magiciens leur admirable invention qui allait devenir, seulement quelques années plus tard, l’art du siècle, on se rend compte que le passage à la postérité du cinéma avait tout d’une gageure.
Les Lumière ont douté, vendant peu cher la peau du cinématographe : scientifiquement, commercialement et artistiquement, ils ont décrété le cinéma invention sans avenir. « Faire des films, ce n’est plus mon affaire ! » lance un Louis dépité devant un public désertant les projections, las de ces « vues » devenues monotones. Un public qui inaugurait, par là même, le cycle interminable des « crises » du cinéma.
Les Lumière ont eu tort. Le cinéma s’est imposé partout. Il est même devenu  l’attraction, parvenant à rallier ces franges de la société qui ont suivi, avec suspicion, sa longue marche vers la consécration, vers sa légitimation en tant qu’art.
Un livre fort intéressant a d’ailleurs paru, qui recense, présente et commente  les interrogations  qui ont entouré la naissance du cinéma et les réflexions « originelles » qui ont été faites à son sujet : Réflexions, parfois inédites ou passées inaperçues d’écrivains, scientifiques et artistes et qui jalonnent les cinq cent pages du livre de Daniel Banda et José Moure, Le cinéma. Naissance d’un art 1895-1920. (Flammarion, 2008).
Il est vrai que l’époque était aux grands chantiers artistiques : les avant-gardes se bousculaient au rythme de la modernisation du monde…
Beaucoup se sont donc intéressés à cette invention.  
Leurs appréciations vont de l’exaltation au catastrophisme. C’en est ainsi à chaque fois qu’apparaît un nouveau média.. Et pourtant, ils étaient déjà nombreux qui ont pressenti le potentiel de liant culturel et social du  cinéma.
Quelle que soit la valeur de ces « pensées du cinéma » marquées par l’impressionnisme ou par les impératifs de l’idéologie et qui ne se fondent que rarement sur du concret, -du « terrain » comme diraient certains pragmatiques-, elles n’en dévoilent pas moins la magie que cet art exerce, ainsi que sa  part de mystère. Voici un panoramique sur des prises de position assez tranchées : Gorki se dit effrayé au sortir du royaume des ombres,  les philosophes francfortois disent scruter l’abîme dans lequel, le cinéma, média de masse, allait emporter l’art authentique, Kafka  juge le mouvement accéléré des images déplaisant et dérangeant pour les yeux et Tolstoï qui prédit, lui,  des moments difficiles pour la littérature puisque le cinéma peut dorénavant se tenir au plus près de la vie !
Aujourd’hui que le cinéma est ce qu’il est, le débat s’est déplacé. Les joutes théoriques sont parfois très dures. Mais les postures dubitatives ont quasiment disparu, (même si la crise perdure depuis !)  et les discours exaltés sont revenus vers des mystiques plus apaisées ( même si certains puristes …). Et si l’époque est à la déconstruction des passions et  à la distanciation, le cinéma garde de cette fièvre des premiers temps ce quelque chose qui   fait que ce « caillou dans une chaussure » fascine toujours autant. C’est peut-être son utilité, son côté « école du soir » comme disait Sembène. Une école où on va quand on aime la vie…